Catastrophe. Certains l’ont
qualifié de désastre économique, d’autres de scandale de la filière de
montage automobile, d’autres encore de déguisement des importations des
véhicules… Qu’importe ! L’essentiel pour les analystes de la sphère de
l’industrie mécanique en Algérie est que le bilan dans ce domaine est
pour ainsi dire catastrophique.
Le marché algérien était le deuxième en Afrique dans les années 2000
avec une moyenne de 400.000 véhicules importés chaque année et un pic
enregistré en 2012 avec plus de 600.000 unités importées pour une valeur
de 7 milliards de dollars. Depuis, la courbe a chuté. Après la chute
drastique des rentrées en devises de l’Algérie suite à l’effondrement
des cours de l’or noir sur les marchés internationaux en 2014, les
pouvoirs ont enfin compris que la rente pétrolière n’était pas
éternelle. On change de fusil d’épaule et on se tourne aussitôt vers le
transfert technologique de l’industrie mécanique et le montage
automobile.
L’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, l’ancien ministre de
l’Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb, des ministres français
Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement
international, et l’actuel président de la République française,
Emmanuel Macron, du ministre de l’Economie, de l’Industrie et du
Numérique de l’époque, et Carlos Ghosn, président-directeur général du
groupe Renault, tout ce beau monde a inauguré en grande pompe, en
novembre 2014, la première usine automobile algérienne, Renault Algérie
Production. Située à Oued Tlélat, dans la région d’Oran, l’usine produit
la nouvelle Renault Symbol, un véhicule très prisé en Algérie pour son
rapport prix/qualité. En début de phase de fabrication, l’usine comporte
une ligne de production qui a commencé par produire 25.000 véhicules
par an et, actuellement, les responsables espèrent augmenter la cadence
en tablant sur une production de 80.000 voitures en 2018 avec une plus
grande intégration des fournisseurs et des métiers tôlerie et peinture.
Ensuite, d’autres concessionnaires automobiles ont commencé à
s’investir dans ce mode de montage de véhicules, à l’image du groupe
Tahkout, propriétaire de l’usine de montage de voitures de la marque
Hyundai à Tiaret et Suzuki à Saïda, qui projette d’assembler 100.000
véhicules en 2018 ; de Sovac pour la marque Volkswagen qui a inscrit
dans son programme l’assemblage de 35.000 à 40.000 voitures réparties
sur cinq modèles ; de KIA Algérie qui vient d’inaugurer son usine de
montage de voitures dans la wilaya de Batna avec moins de 40.000
voitures ; et enfin, de Mercedes-Benz tout-terrain de Classe G produites
par l’usine de Tiaret. Ces dernières sont destinées aux institutions
publiques, essentiellement le ministère de la Défense nationale et la
Direction générale de la sûreté nationale (DGSN).
La facture d’importation du SKD/CKD demeure salée
Alors que les décideurs et autres planificateurs spécialistes de la
prospective économique espéraient réduire la facture d’importation des
automobiles par l’alternative de la production locale, c’est le
contraire qui s’est produit. Les statistiques publiées par le site des
Douanes algériennes font état de la facture d’importation des SKD/CKD
destinées à l’industrie de montage des véhicules de tourisme et de
transport de personnes et de marchandises qui s’est établie à 449,1
millions de dollars entre début janvier et fin février 2018, contre
219,5 millions de dollars sur la même période de 2017, en hausse de près
de 230 millions de dollars (+104%). Quant à la facture d’importation
des véhicules finis (véhicules de tourisme et ceux de transport de
personnes et de marchandises), elle est passée à 20,5 millions de
dollars sur les deux premiers mois de 2018, contre 136,8 millions de
dollars à la même période de 2017.
Le nombre global des véhicules finis importés (toutes catégories) a
été de 536 unités en janvier-février 2018, contre 10.327 unités sur la
même période de 2017. Ainsi, la facture globale d’importation des
collections SKD/CKD et des véhicules finis (toutes catégories) a
augmenté à 469,6 millions de dollars sur les deux premiers mois de 2018,
contre 356,3 millions de dollars sur la même période de 2017, avec une
prédominance des SKD/CKD (95% de la facture globale).
Concernant la facture d’importation des collections SKD/CKD servant
au montage des véhicules de tourisme, elle a bondi à 398,29 millions de
dollars sur les deux premiers mois de 2018, contre 187,63 millions de
dollars à la même période de 2017, en hausse de 210,66 millions de
dollars (+112%). Quant aux véhicules de tourisme finis importés, la
facture a été de 4,85 millions de dollars, contre 42,6 millions de
dollars. Le nombre de véhicules de tourisme finis importés a été de 102
voitures en janvier-février 2018, contre 3.596 voitures sur la même
période de 2017.
A noter que ces véhicules de tourisme importés représentent le
reliquat de ceux qui avaient été commandés dans le cadre des licences de
2016, sachant qu’aucune licence d’importation n’a été octroyée en 2017
et 2018. Ainsi, la facture d’importation globale des véhicules de
tourisme finis et des collections CKD destinées à l’industrie de montage
de ce type de véhicules a grimpé à 403,14 millions de dollars sur les
deux premiers mois de 2018, contre 230,2 millions de dollars à la même
période de 2017, en hausse de près de 173 millions de dollars (+75%),
détaille la même source. A signaler au passage que cette hausse a
concerné également les véhicules de transport, notamment en CKD.
Les prix des voitures «made in Algeria» ont flambé !
Sur un autre registre, les Algériens, plus précisément ceux de la
classe moyenne, qui pensaient que le montage de véhicule localement
allait conduire à une baisse des prix sortie usine, les assembleurs
industriels les ont pris de court. C’est le contraire qui s’est produit
dans la mesure où les prix des véhicules ont presque doublé. Il a fallu
attendre la publication surprise par le ministère de l’Industrie des
Mines des prix sortie usine des véhicules légers montés ou fabriqués en
Algérie, dénonçant ainsi la maffia et les barons qui surenchérissent sur
les prix des véhicules au niveau du marché national. Sans s’attarder
sur les détails concernant les divers avantages accordés par le
gouvernement aux investisseurs, le moins que l’on puisse dire est que
cette annonce n’est ni plus ni moins qu’un avertissement, voire une
dénonciation des faux investisseurs et autres trabendistes ou parasites
qui pourrissent le marché automobile en Algérie. Le consommateur fait
ainsi les frais de la mauvaise gouvernance du dossier aussi important
que le montage des véhicules.
Les Algériens réalisent aujourd’hui avec stupéfaction qu’ils sont les
dindons de la farce. Comment peut-on expliquer une telle exagération
dans les marges bénéficiaires réalisées par les assembleurs automobiles
locaux se situant entre 40% et 70% ? Impuissants devant une telle
arnaque, les jeunes Algériens s’en sont donnés à coeur joie sur les
réseaux sociaux en appelant au boycott du made in Algeria dans
l’automobile, une action qui a remporté un énorme succès grâce à sa
large diffusion, ce qui n’a pas manqué de se répercuter sur les marchés
des voitures, au grand bonheur des potentiels acheteurs. Se sentant plus
ou moins victimes de cette campagne anti-producteurs nationaux de
voitures, quelques assembleurs ont tenté de répondre par le lancement
d’opérations de marketing portant sur la réduction des prix des voitures
neuves. Et encore ! Affaire à suivre…
Source : http://www.actuel-dz.com